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Des voiles noirs, qui recouvrent quasiment tout le plateau, laissant planer une atmosphère de deuil mortifère. Au fond, la silhouette menaçante d’une grande et sombre plate-forme dressée vers le ciel, dont la paroi semblera s’embraser pendant l’impressionnante procession d’un « Te Deum » en grande pompe. Le gigantesque amphithéâtre antique de Vérone bruisse des nombreux spectateurs venus entendre, vendredi 2 août, la première Tosca véronaise d’Anna Netrebko dans l’impressionnante production de l’Argentin Hugo de Ana (2006).
Déjà le peintre Mario Cavaradossi, attelé à son chevalet dans l’église Sant’Andrea della Valle, a caché son ami, le dissident politique Angelotti, bientôt recherché par la police de Scarpia, homme de main du roi de Naples qui a renversé la nouvelle république de Rome instaurée par les troupes françaises au début du XIXe siècle. De part et d’autre du proscenium, drapeaux déchirés et canons hors d’usage rappellent la violence des combats.
« Mario, Mario ! » Floria Tosca est entrée dans sa somptueuse longue robe jaune d’or rehaussée d’un léger manteau, jalouse déjà de la marquise Attavanti, dont les yeux bleus servent de modèle à la Marie-Madeleine du portrait, dont Cavaradossi achève le trait. Le naturel de la scène d’amour dans l’église rappelle que la chanteuse austro-russe et le ténor azerbaïdjanais Yusif Eyvazov ont partagé dix ans de vie commune, avant d’annoncer leur séparation au début de l’été.
La mutine vient à peine de quitter les lieux qu’un grand coup de canon, parti des gradins, fait soudain crier la foule. L’évasion d’Angelotti a été découverte : le terrible Scarpia peut entrer en action, tandis que se découvre sur le plateau l’immense tête de l’archange Michel remettant son épée au fourreau, tel qu’il domine encore de sa haute taille de bronze la forteresse du château Saint-Ange, à Rome.
Voix bien projetée, capable de volupté soyeuse comme de rage destructrice, le Scarpia de Luca Salsi possède la nature autoritaire du personnage, mais aussi les ambivalences qui font de lui un homme dominé par ses désirs. Il a fait emprisonner Cavaradossi, soupçonné de complicité. Face à lui, la Tosca d’Anna Netrebko, en robe de cantatrice d’un rouge éclatant, à la traîne brodée d’argent, passera par tous les états de la torture morale.
La ligne de chant, aux effets savamment dosés, semble parfois lutter contre les insuffisances d’un souffle moins assuré. Mais elle reste puissante et voluptueuse, d’une grande expressivité. Commencé avec une attaque imparfaite, le fameux « Vissi d’arte » de l’acte II, après avoir déployé des trésors de beauté, se pare d’impalpables aigus, rendant l’âme à l’instar de la Tosca disant adieu à ce qu’elle fut.
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